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Punk et châtiment : Virginie Despentes et les révélations de Némésis
Cet article analyse la représentation de la musique punk dans les romans de Virginie Despentes à partir de la figure de Némésis. Conçue à la fois comme éclatement d’une violence excessive, démesurée, et comme châtiment venant punir la démesure, Némésis incarne la dialectique à l’œuvre dans la conception du punk développée par Despentes. De la cavale meurtrière de Nadine et Manu aux convergences de Vernon Subutex, l’expérience du punk, chez Despentes, est d’abord mise en scène comme explosion violente révélant les extrêmes du monde en un bref instant de lucidité, puis comme objet de nostalgie dans un monde qui en a balayé les dernières traces et, enfin, comme surgissement d’un nouvel horizon utopique dont l’hybris appelle sur lui le châtiment de l’histoire.This article analyzes the representation of punk music in the novels of Virginie Despentes based on the figure of Nemesis. Conceived both as a burst of excessive, disproportionate violence and as a punishment for the disproportionate, Nemesis embodies the dialectic at work in Despentes’ conception of punk. From Nadine and Manu’s murderous road trip to Vernon Subutex’s convergences, the experience of punk is first staged as a violent explosion revealing the extremes of the world in a brief moment of lucidity, then as an object of nostalgia in a world that has swept away its last traces, and finally as the emergence of a new utopian horizon whose hubris brings forth the punishment of history
La figure d’Ulysse au XXe siècle : une mise en scène du rapport de force entre affect et raison
Cette thèse examine l’omniprésence de la figure d’Ulysse dans la conscience de soi du XXe siècle à travers ses nombreuses réécritures littéraires et philosophiques. Constatant la prolifération sans précédent de la figure d’Ulysse dans la littérature de cette période, il s’agit de montrer qu’elle incarne et met en marche une pensée qui conduit au cœur des problèmes les plus importants du siècle. La fortune littéraire et critique qu’Ulysse connaît au XXe siècle est expliquée par les modalités de la pensée qu’il véhicule, modalités qui sont éclairées par la définition d’Ulysse en tant que figure de la médiation des extrêmes. Cette pensée des extrêmes incarnée par Ulysse est définie comme une manifestation de l’esprit propre au littéraire et irréductible à la pensée conceptuelle, c’est-à -dire comme pensée littéraire. À partir de l’étude de textes littéraires du XXe siècle dans lesquels se manifeste la figure d’Ulysse, je montre que cette pensée concerne le rapport de force entre affect et raison au sein de l’esprit, la manière dont la raison se propulse à partir des affects pour ensuite être débordée par ceux-ci, dans un mouvement perpétuel qui est exemplifié par les pérégrinations d’Ulysse en quête d’un retour impossible. Ce rapport de force entre affect et raison est thématisé de manière spécifique sous la forme de la mise en scène par la figure d’Ulysse du rapport de force entre l’origine hellénique et l’origine judéo-chrétienne de la civilisation occidentale, entre raison et révélation, savoir et foi, Athènes et Jérusalem.This thesis examines the omnipresence of the Odysseus figure in twentieth century
self-consciousness throughout its many literary and philosophical rewritings. Noting the
unprecedented proliferation of the Odysseus figure in this period’s literature, the thesis
seeks to convey the ways in which it embodies and sets in motion thinking at the core of
the most important problems of the century. Odysseus’s literary and critical fortune in the
twentieth century is explained by the modalities of thought which it conveys, modalities
that are themselves clarified by the definition of Odysseus as a figure of the mediation
between extremes. This thought of and between extremes embodied by Odysseus is defined
as a manifestation of the mind proper to the literary, that is, as specifically literary thought,
which is irreducible to conceptual thought. From the study of diverse literary texts of the
twentieth century in which the Odysseus figure appears, I demonstrate that this particular
form of thought concerns the balance of power between affect and reason within the mind,
the way in which reason propels itself on the basis of affects only to become overwhelmed
by them, in a perpetual movement that is exemplified by the peregrinations of Odysseus in
his quest for an impossible return. This power struggle between affect and reason becomes
a thematic element in the form of Odysseus’s depiction, or “mise en scène,” of the power
struggle between the Hellenic and Judeo-Christian origins of Western civilization, between
reason and revelation, knowledge and faith, Athens and Jerusalem
Péché originel et utopie dans « Tout » d’Ingeborg Bachmann et dans Le rêve d’un homme ridicule de Dostoïevski
Cet article propose une lecture croisée, basée sur le thème du péché originel, de la nouvelle « Tout »
d’Ingeborg Bachmann et du récit Le rêve d’un homme ridicule de Dostoïevski. Le péché originel,
compris comme la chute du genre humain dans une spirale de malheur, est examiné à la lumière de
son actualisation par les théories critiques de la raison (Chestov, Benjamin, Adorno) formulées en
plein cœur du rationalisme triomphant de la modernité. À partir des textes de Bachmann et
Dostoïevski, la découverte de la distinction entre bien et mal par les premiers humains est pensée
en continuité avec le développement d’un langage qui inscrit en l’être humain et dans ses relations
sociales la séparation entre la raison autonome et la nature réduite à une chose muette et dépourvue
de substance. Cette séparation est définie comme fondement d’une guerre éternelle entre les
humains et la nature ainsi qu’entre les humains eux-mêmes.This paper proposes a comparative reading, on the theme of the original sin, of the short story “All”
by Ingeborg Bachmann and of The Dream of a Ridiculous Man by DostoĂŻevski. The original sin,
understood as the fall of mankind in a spiral of affliction, is examined in light of its actualization
by critical theories of reason (Shestov, Benjamin, Adorno), which were articulated against the
backdrop of the triumph of rationalist modernity. In these stories by Bachmann and DostoĂŻevski,
the discovery of the distinction between good and evil by the first humans is taught in continuity
with the development of a language that inscribes in humans and in their social relations the
separation between autonomous reason and nature, the latter being devoid of substance. This
separation is defined as the basis of an eternal war between humans and nature as well as among
humans themselves
La figure de l’auteur comme producteur : littérature et connaissance chez Walter Benjamin, Georg Lukács et Theodor W. Adorno
[À l'origine dans / Was originally part of : Thèses et mémoires - FAS - Département de littérature comparée]La question posée dans ce mémoire concerne ce que des philosophes comme Georg Lukács, Walter Benjamin et Theodor. W. Adorno appellent le contenu de vérité des œuvres littéraires. Le but de ma réflexion est de montrer qu’un tel contenu de vérité ne doit pas être recherché dans la réalité extra-littéraire par rapport à laquelle la littérature apparaît comme une représentation, pas plus que dans les intentions introduites du dehors par l’auteur ou dans la réception de l’œuvre par ses lecteurs, mais plutôt directement dans la sphère de sa production. À partir d’une lecture comparative des différentes positions défendues dans le débat des années 1930 entre Georg Lukács, Walter Benjamin, Bertolt Brecht et Ernst Bloch, la production littéraire est définie comme un phénomène par lequel l’esprit, en s’objectivant, transcende la réalité dans laquelle il s’inscrit. Il en résulte une conception du littéraire comme processus au sein duquel la relation épistémologique entre le sujet et l’objet est appréhendée d’une manière irréductible aux autres formes de connaissance.This memoir examine the problem of what philosophers such as Georg Lukács and Walter Benjamin call the truth content of literary works. My purpose is to show how such a truth content be sought neither in the extra-literary reality of which literature seems to be a representation, in the authorial intention imposed from without, nor in the work’s reception by its reading public, but directly in the sphere of its production. From a comparative reading of the different positions held in the 1930s debate between Georg Lukács, Walter Benjamin, Bertolt Brecht and Ernst Bloch, literary production is defined as a phenomenon by which the mind, through its objectivation, transcends the reality in which it inscribes itself. On this basis, literature appears as a process in which the epistemological relation between subject and object is apprehended in a way that is irreducible to other forms of knowledge
Mlle Vinteuil par-delà Bien et Mal : Saphisme et péché originel dans À la recherche du temps perdu
Texte issu du séminaire Proust côté femmes tenu à l'Université de Montréal dans le cadre du cours Littératures de langue française
(Séminaire FRA6342 - Automne 2015) ; Les Savoirs des femmes Programme de recherche subventionné par le Conseil de recherche en Sciences Humaines du Canada 2012-2015. (www.savoirsdesfemmes.org
Ulysse lesbien : la figure du cheval de Troie dans l’œuvre de Monique Wittig
Cet article étudie le rôle joué par la figure du cheval de Troie dans l’œuvre de Monique Wittig. J’y défends l’idée que, si la figure du cheval de Troie est si importante pour l’écrivaine, c’est non seulement parce qu’il s’agit d’un pilier de la tradition qu’elle veut renverser, mais aussi parce que, selon elle, c’est toujours de l’intérieur qu’il est possible d’opérer ce renversement, comme c’est de l’intérieur qu’Ulysse a pu renverser Troie. Je montre aussi comment le Cheval de Troie, à travers ce que Wittig appelle « l’universalisation » du point de vue lesbien, fonctionne dans l’œuvre de celle-ci comme une figure anti-essentialiste qui ruine les notions d’identité et de fondement.This paper studies the role played by the figure of the Trojan horse in the work of Monique Wittig. I argue that if this particular figure is so important to Wittig, it is not only because it is a pillar of tradition that they want to overthrow, but also because, according to them, it is always from within that this overthrow can take place, just as it was from within that Odysseus was able to overthrow Troy. I also argue that the Trojan horse, through what Wittig calls the “universalization” of the lesbian standpoint, functions in their work as an anti-essentialist figure that dismantles notions such as identity and foundation
«Ce qui est à écrire violence» : Montage et dialectique dans Les guérillères de Monique Wittig
Dans cet article nous explorons l’idée que le roman Les guérillères de Monique Wittig, publié un an après mai 68, représente cet événement de manière indirecte, sinon implicite. C’est à travers la structure narrative de l’oeuvre, le montage romanesque, que s’opère la dialectisation de deux problématiques qui se cristallisent lorsque les ouvriers en grève se joignent aux étudiants au mois de mai 1968 : d’une part, celle de la fragmentation sociale, et, d’autre part, celle de l’autorité. La violence que l’écrivaine fait subir aux catégories langagières dans son oeuvre théorique comme fictionnelle se voit contrebalancée dans Les guérillères par la mise en scène (au sens brechtien du terme) des différents cycles d’une vie commune réellement libre. Plus largement, nous montrons que c’est la question du sujet qui est mise à l’honneur chez la féministe radicale : entre un structuralisme triomphant et un humanisme qui fait retour, entre le caractère actuel de la littérature engagée et le formalisme revendicateur du Nouveau roman, l’oeuvre de Wittig se positionne comme le troisième terme dialectique grâce auquel la réification d’une série d’oppositions est désignée comme « l’ennemi principal » du sujet humain collectif.In this article we explore the idea that the novel Les guérillères by Monique Wittig, published one year after May 68, depicts this event indirectly, if not implicitly. Through the work’s narrative structure, the novel’s structure enables the dialectization of two problems that crystalize when the striking workers join with students in the month of May 1968: on the one hand, social fragmentation, and on the other, authority. The violence that the author subjects to the language categories in her quasi-theoretical fiction is counterbalanced in Les guérillères by the staging (in the Brechtian sense of the term) of different cycles of a truly free commune life. More broadly, we show that the question of subject is highlighted with the radical feminist: straddled between a triumphant structuralism and a humanism that returns, between the nature of committed literature and the demanding formalism of the New Novel, Wittig’s work positions as the dialectic third term whereby the reification of a series of oppositions is designated as the “principal enemy” of the collective human subject